Le public est venu nombreux pour cette 5e édition du Verão de Sergipe (photo: internet)
Ce weekend se tenait à Aracaju la cinquième édition du Verão de Sergipe. Cette fête, organisée par le gouvernement de l'état, est l'occasion chaque année d'assister à des concerts de groupes locaux et nationaux. Et la programmation de ces deux derniers jours, éclectique et de qualité, a offert aux connaisseurs comme aux novices une vision d'ensemble de ce que la musique brésilienne a pu et peut produire. Résumé en chanson de ce 'final de semana' festif à Aracaju.
Pour se rendre au concert, il faut traverser le pont Aracaju-Barra qui relie la capitale sergipana à une petite bande de terre sur laquelle se trouve Barra dos Coqueiros. Une fois 'de l'autre côté du fleuve', le bus 71 se dirige jusqu'à la plage d'Atalaia Nova. Là, sur le sable fin, se dressent deux scènes. L'une à côté de l'autre, elles seront tour à tour les théâtres de ce week end musical. La petite accueille les groupes locaux quand la grande est le terrain de jeu des artistes nationaux. La foule est déjà présente, armée de glacières remplies de bières et de sodas glacés, chargés de refroidir les corps bouillonnant sous les 30 degrés de cette nuit d'été nordestino. La police militaire, casque vissé et matraque à la ceinture, serpente à travers le public, dissuadant les esprits échauffés de gâcher la fête.
Car, pour sa cinquième édition, le Verão de Sergipe a mis les petits plats dans les grands. Les têtes d'affiche, monuments musicaux du Brésil, font l'honneur de leur présence pour animer cette fin de semaine. Vendredi, le groupe Paralamas do Sucesso lance les hostilités sur la grande scène. Un coup de cœur. Au son de leur pop-rock cuivré empruntant parfois au ska et au reggae une rythmique saccadée, le public gigote et sautille du plus grand au plus petit. Les succès se succèdent et aucun des membres de l'assistance ne manque d'entonner couplets et refrains, du début jusqu'à la fin. On prend alors conscience de l'importance du groupe dans le paysage musical brésilien. Un groupe atypique. Herbert Vianna, le leader, dépense sur sa guitare une énergie incroyable qui fait presque oublier qu'un accident d'avion le cloua sur une chaise roulante il y a une dizaine d'années. Un handicap comblé par sa voix, imposante sans jamais être forcée. On s'éclate. Que demander de mieux pour lancer la soirée.
Ela disse Adeus, par Paralamas do Sucesso
Vers une heure du matin, Margareth Menezes arrive sur la scène centrale. Ceux qui ont sommeil font mieux de rentrer. La cinquantaine, robe colorée, talons hauts, entourée de ses musiciens et choristes, elle est l'une des reines du Axé, cette musique de Bahia qui à force de percussions et de mélodies entêtantes vous font sauter sans arrêt. La performance est impressionnante. La grande dame noire parcoure la scène en long, en large et en travers, appelant sans relâche le public pour qu'il la suive. En l'honneur du Nordeste, elle entonne, en plus de ses compositions, un medley des plus grands succès de la région. Il est 4h du matin, on se demande comment nos jambes nous soutiennent, mais tout en sifflotant, on regagne nos couches pour reprendre des forces et tenir le coup pour la journée du samedi.
Et ce jour a une saveur particulière. Tout Aracaju en parle. Le soir même, sur la scène principale, se produira la célèbre 'rockeuse' Rita Lee. Figure de la musique alternative brésilienne, cette mamy aux cheveux roses et au pantalon de cuir, qui rappelle notre Brigitte Fontaine, donne dans la capitale sergipana sa dernière représentation. Un événement que tous, connaisseurs ou non, veulent vivre. Multi-instrumentiste, elle jongle entre guitare, percussion ou encore flûte traversière en n'oubliant pas de faire usage de sa parole. Celle qui lui a été enlevée, comme pour tant d'autres, pendant la dictature militaire (1964-1985). Provocatrice, la paulista se laisse aller en invitant le public à s'allumer avec elle quelques joints et s'emporte contre la police, venue se poster devant la scène. 'J'ai vu ce qu'ils pouvaient faire pendant la dictature. Je n'ai plus peur !' lance-t-elle. Une sortie digne d'une rockeuse insoumise. Mais qui lui vaut d'être emmenée par les forces de l'ordre à la fin du concert pour prendre sa déposition en raison de troubles à l'ordre public et d'insultes envers des agents de police. A la fin de la soirée, le rideau tombe sur sa carrière un peu comme elle avait commencé. Par un acte militant.
Rita Lee donnait dans la capitale sergipana sa dernière représentation (photo internet)
Projecteur sur The Baggios
Au Verão de Sergipe, les étoiles nationales ne sont pas les seules à briller. Sur la scène secondaire, réservée aux groupes sergipanos, la qualité n'est pas moindre. Parmi les formations locales, The Baggios. Venus de São Cristovão, petite ville à 25 kms d'Aracaju, les deux membres du groupe offrent un rock énergique. Empruntant au blues d'antan ses mélodies lourdes, Julio Andrade, le guitariste-chanteur, enclenche sa disto cradingue pour faire planer l'auditeur. Sa voix aiguë se confond avec les notes de ses solos perçants et vole par-dessus la cadence quasi mécanique imposée par son comparse. Car Gabriel Carvalho, le batteur, tape dur sur ses fûts. Placide, il rythme la performance de son ami gratteux qui n'hésite pas à s'écrouler sous le poids des notes dans une transe communicative. Le tout donne une musique qui remue et qui va chercher l'amateur de rock par les tripes. Étoile montante de la scène brésilienne, The Baggios a déjà parcouru le pays, s'arrêtant chaque année à São Paulo pour défendre son style. A découvrir.
The Baggios, Can't find my mind
Programme : la semaine prochaine, la fête continue, mais cette fois à Caruera à une heure d'Aracaju. A l’affiche: CABEDAL, BIQUINI CAVADÃO, FUNDO DE QUINTAL, ALAPADA, RITA RIBEIRO, FREJAT.
Gauthier Berthélémy