Le Mouvement des Sans-Terre du Brésil se mobilise pour le maintien des écoles publiques en milieu rural (photo: MST)
Salués par la presse et les instances internationales, les résultats économiques du Brésil confèrent à Dilma Rousseff une sympathie et une reconnaissance inégalées dans le pays et à l'étranger. Créditée de 72% d'opinion favorable dans une des dernières études de l''Ibope (Institut brésilien de statistiques), la présidente voit tout de même son action critiquée, notamment sur le plan social et agricole. Explications.
La semaine qui vient de s'écouler a été socialement agitée au Brésil. En témoignent, par exemple, les heurts qui opposent depuis plusieurs jours les forces de l'ordre aux membres de la communauté du Pinheirinho, menacés d'expulsion après huit années de résidence sur les terres de la ville de São José dos Campos, dans l'état de São Paulo (article ici). Le combat de ces quelques 1500 familles a presque éclipsé le nouvel épisode de celui mené par l'un des plus importants mouvements sociaux d'Amérique Latine, le Mouvement des Sans-Terre du Brésil (MST).
Car, depuis le début de l'année, la section du MST de l'état de Bahia, dans le Nordeste, occupe près d'une vingtaine de mairies pour réclamer l'amélioration du système d'éducation en milieu rural. Le groupe espère même atteindre le chiffre de 30 occupations pour la fin du mois de janvier si leurs revendications ne sont pas entendues par les autorités. Une action qui n'est pas nouvelle puisque l'année dernière, les militants du MST ont déjà procédé à des invasions d'organes administratifs dans la région, pour les mêmes raisons. Selon l'organisation, plus de 24 000 écoles rurales auraient été fermées ces huit dernières années au Brésil. Dans un pays où le taux d'analphabétisme avoisine les 10% de la population, la lutte pour la sauvegarde de l'enseignement public à la campagne est devenu un des thèmes principaux du combat mené par le MST.
Le MST procède à l'occupation de mairies dans l'état de Bahia, Nordeste (photo: MST)
Un combat de longue date
Une mobilisation qui s'ajoute à celle pour la réforme agraire. Car c'est pour cette dernière que s'est formé le MST, en 1984. Immortalisé par le célèbre photographe brésilien Sebastião Salgado, le Mouvement des Sans-Terre du Brésil regroupe des travailleurs agricoles démunis de terrain à cultiver et lutte pour une réforme agraire 'juste et non commerciale'. Usant d'invasions et d'occupations de parcelles qu'ils considèrent comme 'improductives', les Sans-Terre cherchent à faire respecter le principe de la réquisition des terres non utilisées par les grands propriétaires fonciers. Et parfois avec pertes et fracas.
Une invasion par le MST, à travers le regard de Sebastião Salgado (Sebastião Salgado)
Armés de leurs outils de travail, les paysans se trouvent souvent confrontés à des milices privées, chargées par les propriétaires de latifundios de protéger les terres convoitées. Les bilans de ces affrontements témoignent du déséquilibre existant entre ces agriculteurs torses-nus à machette et les mercenaires équipés d'armes automatiques à la gâchette sensible. La police n'est pas en reste et signe même le plus grand traumatisme subi par le mouvement. Le 17 avril 1996, dans l'état du Para , au nord du Brésil, 19 Sans-Terre trouvaient la mort lors d'une marche de protestation. La Police Militaire avait alors ouvert le feu pour disperser les manifestants, provoquant ainsi le très connu 'Massacre de Eldorado dos Carajas'. Dans un Brésil où près de 40 millions de personnes souffriraient de la faim, l'action du MST a un certain écho dans la population et est encore d'actualité.
Selon les derniers chiffres publiés cette semaine par l'Institut National de Colonisation et de la Réforme Agraire, la réforme agraire au Brésil progresserait puisque 20617 familles auraient eu accès à la terre en 2011. Des données largement contestées par le MST qui estime que leur nombre n'aurait été que de 5800 environ. Et selon le portail d'information Carta Maior, situé à gauche, l'action du gouvernement de Dilma Rousseff serait largement inférieure à celle qui a été menée par l'administration Lula. Lors de la première année de son mandat, la présidente n'aurait libéré que 116 parcelles de terre contre une moyenne de 468 durant les huit années de mandat de Lula, soit trois fois moins.
Des chiffres qui pourraient pousser le Mouvement des Sans-terre du Brésil à continuer les invasions et occupations de terres. Dans le sud du pays, un groupe dissident nommé 'MST de la base' occupent déjà douze exploitations agricoles depuis le début du mois. Ce mouvement indépendant regrouperait près de 500 membres et prend exemple sur les actions du MST pour alimenter leur 'Janeiro Quente' (littéralement Janvier Chaud) sur le modèle du 'Abril Vermelho' (Avril Rouge) de la branche historique qui s'est soldé par l'occupation de plus de 70 exploitations au printemps 2011. Une campagne que le MST n'exclut pas de répéter cette année.
Gauthier Berthélémy
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