Dilma Rousseff lors de son discours inaugural, le 1er janvier 2011 (Reuters)
En novembre 2010, les Brésiliens ont investi les urnes pour désigner un
successeur à Luiz Inacio da Silva et ont choisi comme 36e Président
de la République Dilma Rousseff, portant pour la première fois une femme au
pouvoir. Après tout juste un an de mandat, bilan entre ruptures et continuités,
popularité et difficultés.
Bénéficiant de l’incroyable
popularité du Président sortant, qui disposait dans les sondages de près de 80%
d’opinion favorable, l’ancienne chef de la Casa
Civil est parvenue à se hisser à la plus haute
fonction de l’Etat. On aurait pu penser que la nouvelle locataire du Planalto imiterait Lula. Toutefois, si
Dilma Rousseff a maintenu le cap fixé par l’administration sortante sur
certaines questions, notamment économiques, elle a su imposer son style de
gouvernance et se dégager des positions auparavant défendues par l’administration
sortante.
Après le second tour des
élections présidentielles brésiliennes, Dilma Rousseff a commencé à préparer
son investiture officielle en composant l’ossature de son gouvernement. Une
démarche qui lui a permis de fixer l’orientation à donner aux premiers mois de
son mandat. Son discours inaugural du 1er janvier 2011, date de la
passation de pouvoir, rappelant le contexte de crise s’est concentré sur la
réforme fiscale et la poursuite du combat contre l’inflation. C’est contre
cette dernière que la Présidente est partie en guerre dès les premières
semaines de son mandat.
Pour cela, elle nomme Alexandre
Tombini à la tête de la Banque Centrale, retirant le poste à Henrique Meirelles
qui l’a occupé pendant huit ans. Dans l’esprit, l’action de l’institution
financière brésilienne suit les pas de celle menée par l’administration Lula. Mais
les résultats ne sont pas les mêmes. Car, dès le mois d’avril, l’inflation
s’est envolée atteignant 6,51%, soit le taux le plus élevé depuis juin 2005, et
provoquant une hausse des prix des produits d’alimentation et des combustibles,
deux secteurs fondamentaux du budget des ménages. Et ce malgré la fixation d’un
taux d’intérêt élevé (12%) pour contenir l’offre de crédit et diminuer
l’importante demande en biens et services. Avec cette augmentation, le Brésil possède
l’un des taux d’intérêts réels les plus élevés du monde.
Ces mesures n’ont pas freiné
l’évolution du PIB brésilien qui, selon l’Institut Brésilien de Géographie et
de Statistique (IBGE) a eu une croissance de 1,3% au premier trimestre et de
0,8% au second. Ces chiffres permettent aujourd’hui à l’économie brésilienne de
croitre plus que celles des pays européens et de rester équivalente à celles
des BRICS.
Face aux récentes déclarations de la directrice du Fonds Monétaire International
(FMI), Christine Lagarde, sur l’imminence d’une récession économique globale,
Guido Mantega, Ministre de l’Economie, estime que « la situation est
préoccupante » mais que « le
Brésil est préparé pour résister ». La bonne santé économique du Brésil, retrouvée
sous la Présidence Lula, tend à se poursuivre malgré un retour en force du
« dragon inflationniste ».
Un monstre terrifiant obligeant
le gouvernement Rousseff à procéder à de grandes coupes budgétaires. Les
premiers portefeuilles touchés sont ceux destinés à la mise en place de mesures
sociales comme le programme Minha Casa,
Minha Vida (Ma maison, ma vie) chargé d’offrir des logements sociaux aux
plus démunis. En février, Guido Mantega a annoncé une économie de cinquante milliards
de reais (environ 22 milliards d’euros) en limitant les mesures sociales. En septembre, il a demandé à la majorité au
Congrès de ne pas voter certaines mesures pour réduire les dépenses de l’Etat
et contenir l’inflation. Cependant, Dilma Rousseff a annoncé en février la
revalorisation du salaire minimum le faisant passer de 510 à 540 reais (environ
235 euros). Plus récemment, elle a fait entendre durant une interview pour la
chaine Record qu’il pourrait être augmenté de 14% en 2012.
Dilma Rousseff s’affirme à l’international
Sur le plan international, on
peut constater une certaine continuité des axes fixés par la Présidence Lula. Parmi
les personnalités qui incarnent la politique étrangère de Dilma Rousseff, la
nomination d’Antonio Patriota au poste de Ministre des Relations Etrangères
sonne comme un maintien de cap. Durant les deux mandats de Lula, il a été le
Secrétaire Générale des Relations Etrangères et ambassadeur du Brésil à
Washington.
Le maintien de certains noms de
l’ancien gouvernement à des postes importants pour le scénario international du
Brésil, comme le Ministre des Sports ou de l’Economie, permet une continuité de
la politique étrangère brésilienne et aide à promouvoir la stabilité dans
certains secteurs primordiaux de la politique étrangère pour les années à
venir. L’organisation en 2014 de la Coupe du Monde FIFA de football et en 2016
des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro ont déterminé le maintien de ces
personnalités.
La continuité passe aussi par le
renforcement d’une coopération « sud-sud » menée par le Brésil dans
le cadre des négociations sur la libéralisation du commerce international à
travers les Cycles de Doha, du G-20 ou des relations commerciales et politiques
avec les membres du MERCOSUL. Aux Nations Unies, le Brésil a assumé en février
la présidence rotative du Conseil de Sécurité marquée par le vote unanime de la
résolution 1970 demandant l’arrêt de la répression par le régime de Kadhafi en
Lybie. Il s’est cependant abstenu lors du vote sur l’envoi de troupes armées
pour régler la question libyenne. Au
sein de l’institution internationale, la délégation brésilienne continue à
militer pour une réforme du Conseil de Sécurité, tout comme pour celle du FMI
ou de la Banque Mondiale.
A la différence de
l’administration précédente, le gouvernement Rousseff a cessé de s’abstenir sur
les questions de violation des Droits de l’Homme et sur le vote de sanctions
envers les pays contrevenants. A l’inverse de Lula, qui avait tenté un
rapprochement et un dialogue avec les autorités iraniennes, Dilma Rousseff a fermement
condamné la violente répression des mouvements de contestation en Iran et a
affirmé son refus de collaborer avec les pays dans lesquels les libertés
fondamentales sont bafouées.
Dilma Rousseff et Barack Obama réunis lors de la visite du président américain au Palacio do Alvorado à Brasilia en mars 2011 (AP)
Dans le domaine des relations
commerciales, la visite, en mars, de Barack Obama s’est conclue par une
nouvelle coopération dans les secteurs de l’éducation, du transport et du
développement technologique. A cette occasion, Dilma Rousseff s’est montrée
ferme en dénonçant l’asymétrie des relations entre les deux pays à cause du
protectionnisme américain envers les produits brésiliens. En mai, la Présidente
s’est rendue en Chine et a obtenu la signature d’une vingtaine d’accords
commerciaux. Parmi eux, la commande par les Chinois d’avions Embraer et
l’installation de chaines de montages sur le territoire de l’Empire du Milieu.
De plus, les deux pays sont parvenus à un accord dans le domaine des
télécommunications avec la compagnie chinoise Huawei qui devrait investir 350
millions de dollars pour l’installation de lignes ADSL sur le territoire
brésilien.
Un gouvernement contesté, une Présidente approuvée
Cependant, Dilma Rousseff doit
faire face à une situation domestique compliquée avec un gouvernement faisant
l’objet de nombreuses controverses aux conséquences parfois désastreuses.
Depuis le mois d’avril, l’équipe
de la Présidente est décimée par les démissions à cause de suspicions de corruption et de détournements de fonds
publics. Tel est le cas du chef de la Casa
Civil Antonio Palocci, ancien bras-droit de Lula, soupçonné d’avoir enrichi
son patrimoine de façon irrégulière, du Ministre des Transports qui aurait
surfacturé certains chantiers publics, du Ministre du Tourisme ou encore du
Ministre de l’Agriculture, Wagner Rossi. En tout, sept ministres ont dû démissionner suite aux
révélations de la presse. Même le Vice-Président, Michel Temer, a été soupçonné
d’avoir perçu des pots-de-vin, mais les accusations sont restées sans preuves.
Face à cette hécatombe, Dilma
Rousseff a remplacé les ministres démissionnaires et a dû affronter la colère
de la population. En septembre, un mouvement de protestation contre la
corruption s’est propagé dans certaines grandes villes du pays comme Rio de
Janeiro ou Brasilia. Demandant « un coup de balais » dans la classe
politique, les Brésiliens ont investi la Toile pour réclamer la « fin du
vol et de l’impunité ».
Des balais "pour débarrasser le Brésil de la corruption" sur la plage de Copacabana (Reuters)
Mais, malgré la gronde des
citoyens à l’encontre du gouvernement et du Congrès, les dernières enquêtes
réalisées montrent une Dilma Rousseff populaire et une opinion publique
largement favorable à l’action de la Présidente. Selon un sondage de l’institut
Ibope paru fin octobre, elle bénéficierait de l’approbation de 71% de
l’électorat brésilien. Si les inquiétudes sont fortes, les enquêtes montrent
que les électeurs ont confiance en Dilma Rousseff et son gouvernement
considérés comme efficaces. A tel point qu’elle dépasserait largement Lula dans
le cœur des Brésiliens, seulement un an après son élection. Mais les différents
chantiers qui se présentent face à son administration comme la corruption, le
retard pris dans l’organisation de la Coupe du Monde FIFA de 2014 ou encore la
crise économique et financière peuvent tout aussi bien faire pencher la balance
de l’opinion.
Gauthier Berthélémy
Dans un prochain article, nous reviendrons sur les orientations du gouvernement de Dilma Rousseff pour l'année 2012.
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