Sur internet, dans
les rues et même à l’entrée de la Chambre des députés, des brésiliens
s’indignent face la nomination polémique du député fédéral Marco Feliciano à la
tête de la Commission des Droits de l’Homme et des Minorités. Les propos
homophobes et racistes tenus par le parlementaire sur les réseaux sociaux sont
à l’origine de la contestation.
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Marco Feliciano, pasteur, député fédéral et nouveau président de la Commission des Droits de L'Homme et des Minorités de la Chambre des députés brésilienne ( photo: internet ) |
« La pourriture des sentiments homosexuels mène à
la haine, au crime et au rejet. », « Noir naît noir, indien naît
indien, mais homosexuel ne le naît pas. », « Les africains
descendent d'ancêtres maudits par Noé. C'est un fait. Le motif de la
malédiction est la polémique. » Noirs, homosexuels, malades du sida,
tout y passe. Les Twitter, Facebook et consorts nous ont habitués depuis près
d’une décennie à la philosophie de comptoir à grande échelle. L’internaute,
confortablement installé dans son salon, à l’abris des regards, isolé, se sent
à l’aise pour coucher sur l’écran ses pensées même les plus répréhensibles, persuadé
de ne pas être écouté puisqu’il les écrit. Parfois, c’est le cas. Mais
lorsqu’il s’agit d’une personnalité publique, la diffusion des fameux 140
caractères est démultipliée et son impact l’est tout autant.
Publiés sur Twitter en novembre 2011, ces propos ont
provoqué une levée de boucliers
immédiate des associations homosexuelles et de lutte contre le racisme
contre son auteur, le député fédéral et pasteur évangélique Marco Feliciano du
Parti Social Chrétien (PSC). Au-delà de quelques statuts facebook et partages
de pétitions électroniques exigeant sa démission, le mouvement de contestation
n’a pas pris d’ampleur et est vite tombé dans les oubliettes du web. Les prises
de position polémiques du parlementaire sont cependant revenues sur le devant de
la scène médiatique depuis quelques semaines suite à sa surprenante nomination
à la tête de la commission des Droits de l’Homme et des Minorités de la Chambre
des députés brésilienne.
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Un des tweets polémiques du député :" La pourriture des sentiments homosexuels mène à la haine, au crime et au rejet". |
Depuis le 6 mars 2012, les commissions permanentes de la
Chambre brésilienne ont leur composition définie en fonction de la répartition
des sièges issue des votes des électeurs. En d’autres termes, les partis les
plus représentés à l’Assemblée ont le plus de commissions. Suite à une
négociation entre les formations politiques, le Parti des Travailleurs,
formation dont est issue Dilma Rousseff, est
par exemple à la tête de trois commissions tout comme son allié le PMDB.
Les principaux partis d’opposition, le PSDB et le DEM, comptent deux
commissions. Il en est de même pour le parti du député fédéral Marco Feliciano
qui, en plus des Droits de l’Homme, est en charge de la surveillance
financière.
La nouvelle de la décision a rappelé aux barricades
virtuelles les opposants au pasteur évangélique. Les réseaux sociaux se sont
transformés en passeurs de slogans et de pétitions signées par plusieurs
millions de personnes et déposées à Brasilia. Les mots twittés par le nouveau
président de la Commission des Droits de l’Homme à l’encontre des africains et
des homosexuels ont resurgis sur internet rappelant aux Brésiliens les forfaits
de l’homme politique.
Après avoir gagné la toile, la protestation sort dans les
rues de presque toutes les capitales brésiliennes où des cortèges demandent la
destitution du parlementaire. Début mars, les manifestants, armés de pancartes,
de sifflets et de nez de clown, parviennent à entrer dans la Chambre des
députés et crient leur volonté d'appliquer le principe de laïcité de l'Etat (et
donc d'interdire à un homme d'Eglise d'exercer un mandat législatif) et de
punir ceux qui profèrent des insultes à l'encontre de minorités. Le même jour,
la contestation passe les frontières brésiliennes et gagne l'Europe où des
expatriés défilent avec pancartes et banderoles sur les places de quelques
capitales du Vieux Continent.
Les parlementaires des autres partis ont également commenté
la nomination de Marco Feliciano à la tête de la commission des Droits de
l'Homme. Les députés composant la commission ont décidé de faire recours de la
désignation du pasteur évangélique auprès du Suprême Tribunal Fédéral, évoquant
notamment une investiture à huis-clos, fait interdit par le règlement de
l'Assemblée qui stipule que toute « réunion est ouverte au public ».
Selon Domingos Dutra, du PT, « il est inimaginable qu'après une dictature
militaire une commission des Droits de l'Homme fasse une session à portes
closes, avec des barrières aux entrées et la police législative dans les
couloirs ». Au-delà de la légitimité de la nomination et des moyens
employés par Marco Feliciano, les députés de l'opposition questionnent
l'intégrité de leur collègue et demandent au nouveau président de la commission
de s'expliquer sur les récentes accusations d'usage de fonds de l'Assemblée
pour rémunérer certains employés de l'Assemblée de Dieu, église évangélique à
laquelle le pasteur Feliciano est affilié. Pour Chico Alencar du PSOL,
« il y a des preuves évidentes de l'usage de son mandat à des fins
personnelles, puisque toute église est une entité privée. »
Marco Feliciano peut néanmoins compter sur le soutien de son
groupe parlementaire. Réunis le 12 mars, les députés du PSC ont affirmé que
« malgré les pressions et les manifestations nous maintenons Marco
Feliciano à son poste. » Le leader du PSC à l'Assemblée, André Moura,
s'appuie sur le règlement affirmant que « rien n'empêche le parlementaire
désigné à honorer son poste. La commission est composée de 18 députés et si le
président n'exerce pas son mandat correctement, nous serons les premiers à
demander sa démission. »
Le 13 mars, lors de la réunion inaugurale, ouverte au
public, Marco Feliciano a adressé, entre hués et applaudissements, des excuses
publiques « à tous ceux qui se sont sentis offensés par l'une de [ses]
postures (…) ». Avant d'entamer les discussions, il a demandé « à
tous un vote de confiance. J'exerce mon mandat qui me donne le droit d'assumer
la présidence de cette commission. » Un prêche de bonne volonté en
décalage avec un de ses récents tweets daté du 28 février 2013, alors qu'il
avait déjà eu connaissance de sa nomination : « Il ne m'est jamais
passé par la tête de présider la Commission des Droits de l'Homme, mais avec
tant d'attaques, j'en ai presque envie. ». Avec une telle confession, nul
doute que les opposants au pasteur polémique se résoudront à l'absoudre.
Gauthier Berthélemy