A l’arrêt depuis deux mois, les universités publiques brésiliennes se
sont vidées de leurs étudiants. Professeurs et personnels administratifs
s’unissent pour exiger, entre autres, une augmentation des salaires, la
création de nouveaux postes et plus d’autonomie. Un mouvement qui renforce la
crise dans l’enseignement brésilien.
"Professeurs en grève" à l'Université Fédérale de Sergipe (Photo: G.Berthélémy) |
Selon Sônia Meire, représentante du syndicat des professeurs de
l’Université Fédérale de Sergipe (Adufs), « le gouvernement a imposé des
changements sans aucune concertation. Les programmes ont changé sans que cela
s’accompagne de nouveaux moyens. Par exemple, de nombreux cours sont encore
sans professeurs ! ». Le financement de l’éducation est un point
central du désaccord. L’allocation de 10% du PIB national au budget de
l’éducation nationale a été adoptée par la Chambre des députés et les grévistes
demandent l’application de cette mesure. Le gouvernement de Dilma Rousseff,
quant à lui, préférerait abaisser ce taux minimum à 8% du PIB.
Et aux professeurs s’ajoutent les revendications des agents
administratifs et techniques qui réclament de meilleures conditions de travail,
un salaire équivalant à trois salaires minimums, soit environ 1900 reais, et la
mise en place de concours publics pour le recrutement. Cette dernière exigence est
appuyée par les groupes d’étudiants qui se sont joints au mouvement. Selon
Allana Nascimento Santos, représentante du Comando de grève de l’Université
Fédérale de Sergipe, « les étudiants boursiers reçoivent un peu plus de
400 reais par mois pour accomplir des tâches administratives alors que cet
argent devrait servir à faciliter leurs études. Au contraire, ils perdent un
temps précieux et prennent malgré eux la place de personnes qualifiées qui
devraient avoir ces postes ».
Les grévistes sont "contre la précarisation des conditions de travail" à l'université (Photo: Gauthier Berthélémy) |
La rémunération des professeurs et des personnels fait partie des
revendications. Sans augmentation de salaire depuis des années, les
universitaires ont emboîté le pas aux professeurs des écoles publiques. Ces
derniers se sont mobilisés pendant plusieurs semaines pour exiger la revalorisation
du salaire minimum de la catégorie de 22,22%.
À Sergipe, les établissements scolaires ont eu leurs portes closes
pendant 54 jours et les professeurs ont même procédé à une grève de la faim.
Déclarant la mobilisation illégale, le Tribunal de Justice Régionale a obligé
les enseignants à reprendre le chemin de leurs classes. À Bahia, l’arrêt des
cours a dépassé les 100 jours et le ministère de l’Education organise
actuellement des cours en amphithéâtres dans lesquels quelques 400 élèves se
préparent aux épreuves du ENEM, l’examen qui conclue l’enseignement secondaire
et compte pour l’accès à l’université.
Des étudiants partagés
Pour beaucoup, l'incertitude sur la durée du mouvement inquiète. Les
négociations n’avancent pas et sont parfois même annulées donnant l’impression
que le gouvernement cherche à enterrer le mouvement de grève. Cette stratégie
avait fonctionné en 2010, lorsque les personnels techniques et administratifs
avaient abandonné après 4 mois de blocage.
Les salles de cours sont vides depuis deux mois (Photo: G. Berthélémy) |
Chez les étudiants, la détermination des grévistes d’aujourd’hui ravive
ces souvenirs, et déjà on pense aux conséquences. Larissa Andrade, étudiante en
psychologie à l’Université Fédérale de Bahia, comprend et soutient le mouvement
tout en espérant que les parties trouveront rapidement une issue. « Le
problème est qu'ils n'ont pas laissé les vacataires terminer leurs cours, le
retard est énorme, » explique l'étudiante ajoutant : « les
rattrapages vont se faire dans la précipitation et le semestre prochain sera
plus lourd voire même sans vacances ».
Interpellée par des étudiants lors d'un déplacement à Rio de Janeiro la
semaine dernière, Dilma Rousseff a affirmé avoir « conscience de l'ampleur
du mouvement et que le gouvernement travaille sur les revendications des
professeurs, étudiants et personnels des universités publiques ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire