Le Brésil, un pays de plus en plus amateur de salles obscures (illustration internet)
Avec près de 144 millions d’entrées dans les salles obscures et 98
films nationaux présentés au public, le cinéma brésilien a vécu une année 2011
de qualité. L’an dernier a été celui de tous les records puisque les
billeteries ont récolté la coquette somme de 1,44 milliards de reais (soit 600
millions d’euros environ) permettant au Brésil de se placer parmi les marchés
cinématographiques les plus importants du monde. Mais, si les résultats sont au
beau fixe, on note toutefois une baisse de régime pour les films brésiliens
dont les entrées ont subi une chute de 30% par rapport à 2010 et atteignent
difficilement le chiffre de 18 millions*. Eduardo Valente, responsable des
relations internationales de l’Agence Nationale du Cinéma (Ancine) revient sur
l'évolution du cinéma brasileiro et
nous expose sa vision du 7e Art national.
Eduardo Valente, responsable des relations internationales de l'Ancine (photo: archive personnelle)
Eduardo, au début de chaque film
brésilien apparait le nom de l’Ancine. Quelle est sa fonction?
L’Ancine est responsable de la
réglementation de l’audiovisuel indépendant brésilien à chaque étape de la
chaîne, de la production à la présentation en passant par la distribution. Elle
prend également en charge la gestion des investissements fédéraux soit à
travers des lois incitatives soit par des financements directs. Sa fonction est
similaire, avec quelques différences près, à celle du CNC (ndlr Centre National
de la Cinématographie) en France.
Le cinéma brésilien a une
identité propre. Comment la définiriez-vous?
Le cinéma brésilien a une longue
histoire de plus de 100 ans. Il serait donc réducteur de dire qu’il possède à
peine une identité puisqu’il en a plusieurs bien distinctes. Bien sûr, il a de
grands noms dans son histoire et des moments plus marquants que d’autres, comme
toutes les autres activités culturelles du pays (musique, théâtre, littérature).
Mais je pense qu’il est impossible de le définir en quelques phrases.
Le cinéma national a-t-il
toujours été ainsi? On peut penser à l’influence du voisin américain…
Je ne pense pas que le cinéma
américain soit la principale influence du cinéma brésilien bien qu’il soit
énormément présent dans l’imaginaire du spectateur. D’ailleurs, certains des
mouvements les plus connus au Brésil (comme la Chancada dans les années 40/50 ou le Cinema Novo des années 60 et
70) se caractérisent par la parodie ou la confrontation aux formes du cinéma
américain. Le cinéma brésilien
vit avec le cinéma américain une relation complexe faite d’admiration mais
aussi de contestation.
La production brésilienne est-elle homogène ou
certains centres sont-ils plus productifs que d’autres dans le pays?
La
production n’a rien d’homogène, ni dans sa forme ni dans sa distribution. Historiquement,
la production a toujours été concentrée dans les deux principaux centres
urbains du pays que sont Rio de Janeiro et São Paulo. Mais avec la diminution des coûts de production
due à l’émergence des technologies digitales, la production s’est développée
dans l’ensemble du pays. Aujourd’hui, d’autres États comptent parmi les
grands producteurs comme le Minas Gerais, le Pernambouc, le Rio Grande do Sul,
le Ceará ou encore Brasília.
Comment expliquer le récent
succès du cinéma brésilien à l’étranger? On peut penser à Tropa de Elite ou aux
productions locales comme le court-métrage sergipano Do outro lado do Rio...
Ces quinze dernières années, la
production brésilienne a beaucoup augmenté en quantité mais a aussi grandi en qualité. L’Ancine a
fait l’effort de multiplier les possibilités de financement et a participé à
l’internationalisation de la production en travaillant avec des festivals et
des programmes d’exportation. Tout cela a permis au cinéma brésilien de
renforcer sa présence à l’étranger.
Ce succès est-il le même au
niveau national ou le public brésilien préfère-t-il encore les productions
nord-américaines?
Le cinéma brésilien a représenté
15 à 20% du marché des salles de cinéma ces dernières années au Brésil. Cela indique
une croissance et une solidification comme le montre l’énorme succès de Tropa
de Elite 2 qui est le deuxième plus gros nombre d’entrées de l’histoire, après
Titanic. Pour nous, c’est une victoire mais il peut encore grandir. Pour cela,
il a besoin de plus de films à grands succès. Comme beaucoup d’autres dans le monde, le
public brésilien a une relation historique avec le cinéma américain qui s’est
imposé sur les marchés, conditionnant et habituant le spectateur à son modèle. Le
changement de ce paradigme est long.
Qu’en est-il des politiques publiques qui
tentent de stimuler le cinéma brésilien?
De nos jours, le Brésil possède
une politique consistante et évolutive pour le secteur. Elle se compose de
nombreux mécanismes de financement, d’un travail constant dans les champs de la
distribution et de la diffusion au-delà de la télévision et des nouveaux
médias. Dans ce sens, l’Ancine a été essentielle pour créer une culture de
participation active du gouvernement brésilien. Celle-ci doit s’adapter aux
nécessités actuelles que nous voyons. Nous espèrons que cette évolution puisse
continuer dans les prochaines années.
*Toutes les données sont issues du rapport annuel de l'Ancine sur l'activité cinématographique brésilienne.
*Toutes les données sont issues du rapport annuel de l'Ancine sur l'activité cinématographique brésilienne.
Propos recueillis et traduits par Gauthier Berthélémy
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