jeudi 5 janvier 2012

L’année contrastée de Dilma Rousseff


Dilma Rousseff lors de son discours inaugural, le 1er janvier 2011 (Reuters)

En novembre 2010, les Brésiliens ont investi les urnes pour désigner un successeur à Luiz Inacio da Silva et ont choisi comme 36e Président de la République Dilma Rousseff, portant pour la première fois une femme au pouvoir. Après tout juste un an de mandat, bilan entre ruptures et continuités, popularité et difficultés.

Bénéficiant de l’incroyable popularité du Président sortant, qui disposait dans les sondages de près de 80% d’opinion favorable, l’ancienne chef de la Casa Civil est parvenue à se hisser à la plus haute fonction de l’Etat. On aurait pu penser que la nouvelle locataire du Planalto imiterait Lula. Toutefois, si Dilma Rousseff a maintenu le cap fixé par l’administration sortante sur certaines questions, notamment économiques, elle a su imposer son style de gouvernance et se dégager des positions auparavant défendues par l’administration sortante.

Après le second tour des élections présidentielles brésiliennes, Dilma Rousseff a commencé à préparer son investiture officielle en composant l’ossature de son gouvernement. Une démarche qui lui a permis de fixer l’orientation à donner aux premiers mois de son mandat. Son discours inaugural du 1er janvier 2011, date de la passation de pouvoir, rappelant le contexte de crise s’est concentré sur la réforme fiscale et la poursuite du combat contre l’inflation. C’est contre cette dernière que la Présidente est partie en guerre dès les premières semaines de son mandat.

Pour cela, elle nomme Alexandre Tombini à la tête de la Banque Centrale, retirant le poste à Henrique Meirelles qui l’a occupé pendant huit ans. Dans l’esprit, l’action de l’institution financière brésilienne suit les pas de celle menée par l’administration Lula. Mais les résultats ne sont pas les mêmes. Car, dès le mois d’avril, l’inflation s’est envolée atteignant 6,51%, soit le taux le plus élevé depuis juin 2005, et provoquant une hausse des prix des produits d’alimentation et des combustibles, deux secteurs fondamentaux du budget des ménages. Et ce malgré la fixation d’un taux d’intérêt élevé (12%) pour contenir l’offre de crédit et diminuer l’importante demande en biens et services. Avec cette augmentation, le Brésil possède l’un des taux d’intérêts réels les plus élevés du monde.

Ces mesures n’ont pas freiné l’évolution du PIB brésilien qui, selon l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistique (IBGE) a eu une croissance de 1,3% au premier trimestre et de 0,8% au second. Ces chiffres permettent aujourd’hui à l’économie brésilienne de croitre plus que celles des pays européens et de rester équivalente à celles des BRICS. Face aux récentes déclarations de la directrice du Fonds Monétaire International (FMI), Christine Lagarde, sur l’imminence d’une récession économique globale, Guido Mantega, Ministre de l’Economie, estime que « la situation est préoccupante » mais  que « le Brésil est préparé pour résister ».  La bonne santé économique du Brésil, retrouvée sous la Présidence Lula, tend à se poursuivre malgré un retour en force du « dragon inflationniste ».

Un monstre terrifiant obligeant le gouvernement Rousseff à procéder à de grandes coupes budgétaires. Les premiers portefeuilles touchés sont ceux destinés à la mise en place de mesures sociales comme le programme Minha Casa, Minha Vida (Ma maison, ma vie) chargé d’offrir des logements sociaux aux plus démunis. En février, Guido Mantega  a annoncé une économie de cinquante milliards de reais (environ 22 milliards d’euros) en limitant les mesures sociales.  En septembre, il a demandé à la majorité au Congrès de ne pas voter certaines mesures pour réduire les dépenses de l’Etat et contenir l’inflation. Cependant, Dilma Rousseff a annoncé en février la revalorisation du salaire minimum le faisant passer de 510 à 540 reais (environ 235 euros). Plus récemment, elle a fait entendre durant une interview pour la chaine Record qu’il pourrait être augmenté de 14% en 2012.

Dilma Rousseff s’affirme à l’international

Sur le plan international, on peut constater une certaine continuité des axes fixés par la Présidence Lula. Parmi les personnalités qui incarnent la politique étrangère de Dilma Rousseff, la nomination d’Antonio Patriota au poste de Ministre des Relations Etrangères sonne comme un maintien de cap. Durant les deux mandats de Lula, il a été le Secrétaire Générale des Relations Etrangères et ambassadeur du Brésil à Washington.

Le maintien de certains noms de l’ancien gouvernement à des postes importants pour le scénario international du Brésil, comme le Ministre des Sports ou de l’Economie, permet une continuité de la politique étrangère brésilienne et aide à promouvoir la stabilité dans certains secteurs primordiaux de la politique étrangère pour les années à venir. L’organisation en 2014 de la Coupe du Monde FIFA de football et en 2016 des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro ont déterminé le maintien de ces personnalités.

La continuité passe aussi par le renforcement d’une coopération « sud-sud » menée par le Brésil dans le cadre des négociations sur la libéralisation du commerce international à travers les Cycles de Doha, du G-20 ou des relations commerciales et politiques avec les membres du MERCOSUL. Aux Nations Unies, le Brésil a assumé en février la présidence rotative du Conseil de Sécurité marquée par le vote unanime de la résolution 1970 demandant l’arrêt de la répression par le régime de Kadhafi en Lybie. Il s’est cependant abstenu lors du vote sur l’envoi de troupes armées pour régler la question libyenne.  Au sein de l’institution internationale, la délégation brésilienne continue à militer pour une réforme du Conseil de Sécurité, tout comme pour celle du FMI ou de la Banque Mondiale.

A la différence de l’administration précédente, le gouvernement Rousseff a cessé de s’abstenir sur les questions de violation des Droits de l’Homme et sur le vote de sanctions envers les pays contrevenants. A l’inverse de Lula, qui avait tenté un rapprochement et un dialogue avec les autorités iraniennes, Dilma Rousseff a fermement condamné la violente répression des mouvements de contestation en Iran et a affirmé son refus de collaborer avec les pays dans lesquels les libertés fondamentales sont bafouées.

Dilma Rousseff et Barack Obama réunis lors de la visite du président américain au Palacio do Alvorado à Brasilia  en mars 2011 (AP) 

Dans le domaine des relations commerciales, la visite, en mars, de Barack Obama s’est conclue par une nouvelle coopération dans les secteurs de l’éducation, du transport et du développement technologique. A cette occasion, Dilma Rousseff s’est montrée ferme en dénonçant l’asymétrie des relations entre les deux pays à cause du protectionnisme américain envers les produits brésiliens. En mai, la Présidente s’est rendue en Chine et a obtenu la signature d’une vingtaine d’accords commerciaux. Parmi eux, la commande par les Chinois d’avions Embraer et l’installation de chaines de montages sur le territoire de l’Empire du Milieu. De plus, les deux pays sont parvenus à un accord dans le domaine des télécommunications avec la compagnie chinoise Huawei qui devrait investir 350 millions de dollars pour l’installation de lignes ADSL sur le territoire brésilien.

Un gouvernement contesté, une Présidente approuvée  

Cependant, Dilma Rousseff doit faire face à une situation domestique compliquée avec un gouvernement faisant l’objet de nombreuses controverses aux conséquences parfois désastreuses.

Depuis le mois d’avril, l’équipe de la Présidente est décimée par les démissions à cause de suspicions  de corruption et de détournements de fonds publics. Tel est le cas du chef de la Casa Civil Antonio Palocci, ancien bras-droit de Lula, soupçonné d’avoir enrichi son patrimoine de façon irrégulière, du Ministre des Transports qui aurait surfacturé certains chantiers publics, du Ministre du Tourisme ou encore du Ministre de l’Agriculture, Wagner Rossi. En tout, sept ministres ont dû démissionner suite aux révélations de la presse. Même le Vice-Président, Michel Temer, a été soupçonné d’avoir perçu des pots-de-vin, mais les accusations sont restées sans preuves.

Face à cette hécatombe, Dilma Rousseff a remplacé les ministres démissionnaires et a dû affronter la colère de la population. En septembre, un mouvement de protestation contre la corruption s’est propagé dans certaines grandes villes du pays comme Rio de Janeiro ou Brasilia. Demandant « un coup de balais » dans la classe politique, les Brésiliens ont investi la Toile pour réclamer la « fin du vol et de l’impunité ».

Des balais "pour débarrasser le Brésil de la corruption" sur la plage de Copacabana (Reuters) 

Mais, malgré la gronde des citoyens à l’encontre du gouvernement et du Congrès, les dernières enquêtes réalisées montrent une Dilma Rousseff populaire et une opinion publique largement favorable à l’action de la Présidente. Selon un sondage de l’institut Ibope paru fin octobre, elle bénéficierait de l’approbation de 71% de l’électorat brésilien. Si les inquiétudes sont fortes, les enquêtes montrent que les électeurs ont confiance en Dilma Rousseff et son gouvernement considérés comme efficaces. A tel point qu’elle dépasserait largement Lula dans le cœur des Brésiliens, seulement un an après son élection. Mais les différents chantiers qui se présentent face à son administration comme la corruption, le retard pris dans l’organisation de la Coupe du Monde FIFA de 2014 ou encore la crise économique et financière peuvent tout aussi bien faire pencher la balance de l’opinion.

Gauthier  Berthélémy

Dans un prochain article, nous reviendrons sur les orientations du gouvernement de Dilma Rousseff pour l'année 2012. 

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