dimanche 23 juin 2013

Manifestations au Brésil : la peur de la perte de contrôle


Manifestants à Rio de Janeiro le 19 juin 2013 ( photo : afp.com/Christophe Simon

Après la mobilisation historique qui a fait descendre les manifestants dans les rues des grandes villes du pays et réuni près d’un millions de brésiliens à Rio de Janeiro la semaine dernière, l’heure est aux premiers bilans.

Tout le monde est d’accord, le mouvement actuel au Brésil est un événement fort dans l’histoire du pays. Parti du ras-le-bol d’une vie de plus en plus chère, de la vétusté des infrastructures et des services publics, la colère a glissé progressivement vers le rejet de certaines mesures en cours de débat parlementaire et d’une large partie de la classe politique définie comme corrompue.

La presse internationale se fait le relais de ces revendications et diffusent les mots d’ordres qui fleurissent sur les pancartes brandies pendant les gigantesques marches de Brasilia à Recife ou de Buzos à Ribeirão Preto.

Les manifestations se déroulent dans un calme relatif, la police n’hésitant toutefois pas à user de la force pour contenir la population parfois accompagnée d’éléments plus violents, politisés ou non. Sur les réseaux sociaux, la majorité des participants condamnent la violence qu’elle soit d’un côté ou de l’autre, mais peine à calmer ses ardeurs sur un autre sujet.

L’apologie du #SemPartido

Sur le site au pouce bleu, certains individus clament haut et fort leur apolitisme en usant à tour de bras du hashtag devenu ponctuation : #SemPartido (#SansParti). L’objectif, pour une large majorité, est d’exprimer le refus de toute récupération politique du mouvement par les formations politiques actuelles, toutes assimilées à des nids à corrompus. Tous y passent, de l’extrême-gauche à la droite en passant par le PT, parti de Dilma Rousseff, qui pourrait bien être le grand perdant de ce que certains appellent déjà « le printemps brésilien ».

Mais dans ce mot d’ordre se confond parfois une rhétorique anti parti affirmant que le peuple doit se prendre seul en main et doit se détacher du système politique tel qu’il est aujourd’hui. Dans la pratique, cela se traduit par le refus de la participation des partis politiques aux manifestations organisées et par des affrontements parfois corsés entre « apolitiques » et militants. A São Paulo, des individus affiliés au PC do B ou au PSOL ont été agressés par des manifestants leur demandant de ranger leurs banderoles.

Résumé vidéo de la première manifestation à Aracaju ( réal. : Sete Nove Produção)

Et la logique amène parfois à la confusion dans la définition des « ennemis » du peuple. A Aracaju, le cortège s’est scindé en deux après le rejet par certains participants des syndicats et de mouvements sociaux venus se joindre aux révoltés. Le mouvement Não Pago,affairé depuis 2011 à la diminution du prix des transports en commun a été violemment expulsé de la marche pour sa supposée proximité avec le PSOL. Le Mouvement des Sans-Terre n’a  quant à lui pas pu débarquer ses militants des quatre bus qu’il avait affrétés pour les acheminer vers la capitale sergipana.

Sur la toile, ces incidents provoquent des débats passionnés. Pour beaucoup, la prolifération des #SemPartido rappelle le discours des partisans de la dictature militaire (1964-1985). De même, le slogan relayé sur internet et dans les rues « O Gigante acordou » est le même que celui utilisé pendant les rassemblements des soutiens aux militaires. Après tout, l’absence de parti et la rhétorique nationaliste sont bien des éléments définissants les régimes dictatoriaux.

Les brésiliens du Brésil et de France inquiets

Au-delà de ces abus de slogans et ces confusions politiques, certaines manifestations attisent l’inquiétude des brésiliens du Brésil et du monde. Comme ces photos et vidéos montrant des policiers militaires brandissant des pancartes et banderoles en soutien aux manifestants et qui provoquent l’émoi d’une partie de la population et de la presse.

Une image marque plus que les autres. Celle de policiers militaires à Goiania armés de… bouquets de fleurs blanches. L’image est forte, symbolique, belle. Mais, un article publié sur le site jusbrasil.com.br (équivalent de notre légifrance) informe de la demande de création déposée le 20 juin 2013 d’un Parti Militaire Brésilien à… Goiania. La coïncidence a le mérite de faire réfléchir.

Les brésiliens sur place alertent et les expatriés aussi. Ce week-end, ils se sont réunis dans les principales villes de France pour exprimer leur soutien à leurs compatriotes. A Toulouse, ils ont défilé entre Jean-Jaurès et le Capitole en scandant les mêmes slogans que ceux entendus à Rio, Recife, São Paulo ou Salvador. Mais ce qui animait les discussions était bel et bien la possible dérive du mouvement vers une désorganisation généralisée et au profit de forces politiques aux objectifs obscurs.

Brésiliens de Toulouse lors de la manifestation du 22 juin 2013 ( photo : Allana Andrade )


Pour Marcio de Oliveira, l'un des chefs de file des brésiliens de Toulouse, « il est important que les brésiliens ne partagent pas toutes les informations diffusées sur internet. Beaucoup sont faussées et même dangereuses ». La communauté de la Ville Rose cherche un moyen d’avertir les manifestants et de coopérer avec eux. « Nous allons nous réunir et débattre ensemble de la manière dont nous allons nous organiser et envoyer en permanence nos propositions à nos compatriotes » explique-t-il.


Sur et hors du territoire brésilien, une chose est sûre, le mouvement ne veut pas s’essouffler et pourrait même reprendre à son compte une des déclarations faites par Dilma Rousseff le 21 juin dernier : Profiter de cet élan pour continuer à changer le Brésil. 

Gauthier Berthélemy

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