dimanche 12 août 2012

Ce que mes voisins écoutent

Dimanche dans le Rosa Elze, São Cristovão, Sergipe, Brésil (Photo:  G B ) 



Dimanche, 7h du matin. Les rues de mon quartier ont les cernes d'une soirée bien arrosée. Sur le pavé, les cadavres. Ceux des innombrables canettes de bière nationale ingurgitée la veille. Des écorces de cacahuètes gisent sur les trottoirs formant un tapis marron le long de la route. Les chiens , livrés à eux-mêmes, se promènent en bande à l'affût de la moindre pièce de viande tombée du grill dans la bataille qui vient de s'achever.

Tout le monde s'est endormi. Le quartier se repose d'une chaude semaine de travail ponctuée par l'euphorie fiévreuse du samedi soir. Pourtant, mon voisin d'en face, lui, ne dort pas. A 7h10, le grand gaillard aux muscles bien dessinés sort sa moto, la gare devant l'entrée de sa demeure et, comme tous les dimanches, dispose sur le sol les produits d'entretien pour la laver. Pour rendre la tâche plus agréable, il pousse jusqu'à sa porte une grande enceinte de plusieurs centaines de watts. Moderne, elle dispose d'une entrée USB, permettant à l'utilisateur de diffuser plusieurs heures de musique sans manipulation.

Alors commence le show. Pour ne pas brusquer l'entourage, mon voisin entame la playlist avec du Bob Marley. Le reggae du roi jamaïcain me réveille en douceur et me laisse me prélasser dans ce lit que je ne veux vraiment pas quitter si tôt. Après quelques Get up Stand up, Woman no Cry et autres Kaya qu'ils passent plusieurs fois, notre ami rend un autre hommage, celui-ci surprenant, à la musique de Jah : Alpha Blondy.



Il est presque 8h. Les basses lancinantes de la musique jamaïcaine ont aussi réveillé mes autres voisins. Plutôt que de commencer une discussion animée qui pourrait déboucher sur un accrochage sanguinolent, ces derniers procèdent au même rituel. Placement stratégique des enceintes, branchement sur un nombre impressionnant de multiprises, choix réfléchit des compact-disc, play, et le tour est joué. La cacophonie est lancée. Les habitations du quartier se transforment tout à coup en stands musicaux devant lesquels s'arrêtent parfois des badauds pour un brin de causette ou un pas de danse. A l'heure de la gymnastique matinale, les gens de mon quartier préfère le Axé au reggae. Rien de tel pour commencer la journée en fanfare :



Pour rivaliser avec son voisin, tous les coups sont permis. Nous avons déjà évoqué l'enceinte de 400w montée sur rebord de fenêtre, ou sur pied pour les plus professionnels, l'ampli basse à lampes converti en baffle de chaîne HI-FI, mais il y a aussi la voiture. En deux trois mouvements, le moyen de locomotion se transforme en disco-mobile. On ouvre le coffre, retire la plage-arrière, allume l'auto-radio et les énormes enceintes commencent à cracher les mélodies du moment. Il est 10h, la bière fait son apparition et les premières effluves de viande grillée chatouillent les narines. Tables et chaises sont installées sur les trottoirs qui prennent des allures de terrasses improvisées. Amis et familiers se joignent progressivement aux maîtres des lieux. Des automobiles, on entend sortir le son répétitif accompagné de paroles suggestives du pagode. La température monte :




11h30. Les femmes s'activent en cuisine et les maris s'occupent du charbon de bois et de la glacière. L'un remplira le barbecue pour les grillades, l'autre sera remplie de soda et de bière. Sur les tables les morceaux de bœuf, les espetinhos de poulet, la vinagrete et la farofa composent le repas dominical. Bons vivants, les brésiliens les consomment sans modération. La première fournée engloutie, on décide de la digérer par une petite danse. Tout le monde se souvient trop bien du hit planétaire de Michel Telo Ai se eu te pego. Passé de mode au Brésil, il a été remplacé par un tube non moins bouffeur de crâne et entraînant. Découvrez maintenant le Tchu Tcha Tcha :



15h. On ne compte plus les tournées de barbaque et de rafraîchissant houblonnée qui se sont succédés en ce début d'après-midi. Les enceintes continuent de tourner, sauf celles des voitures qui ont perdues leurs batteries dans la bataille. Les plus avisés ont trouvé la parade en laissant tourner leurs véhicules ou en branchant l'engin sur un générateur. De tout bord, la musique parvient à nos oreilles. On assiste à une compilation des différents styles musicaux brésiliens, de l'arrocha à la techno brega en passant par les déjà cités axé et pagode. Florilège :


"vida de empreguete" (vie de femme de ménage) est devenue un véritable hymne pour les employées domestiques brésiliennes. Tirée de la novela Cheias de Charme, la chanson est conte le quotidien de ses femmes. 


Il est 16h et commence alors le match de football du dimanche. En général, la rencontre oppose deux grandes équipes su championnat. La musique laisse sa place aux voix des commentateurs et les cris de joie et de tristesse substituent les refrains. Je ne résiste pas à l'appel du ballon rond et allume ma télé pour regarder les deux formations sur la Globo. A chaque but, je m'amuse de voir les feux d'artifice lancés depuis les cours des maisons pour célébrer l'équipe favorite. Parfois, à la fin du match, le supporter acharné, joyeux d'avoir vu son club gagner, parade dans les rues au son de l’hymne de la « torcida ».

Hymne du Flamengo, club de Rio de Janeiro dont le groupe de supporters est considéré le plus important du monde. 

Presque 21h30, mes voisins, exténués par une journée de repos, rentrent dans leurs chaumières. Un passage devant la télévision et tous s’en vont se coucher. Et déjà, dans leurs rêves, le dimanche prochain. 

Gauthier Berthélémy
(vidéos youtube) 

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